Berlin, 1921, Talaat Pacha,
principal responsable du génocide arménien est tué par Soghomon Tehlirian. Lors
de son procès, il évoque le drame de sa famille exterminée lors de ce massacre
et est acquitté par un jury populaire. Soixante ans plus tard, Aram, jeune
idéaliste vivant tranquillement à Marseille auprès de ses parents, commet un
attentat visant l’ambassadeur turc à Paris. Il souhaite que la Turquie
reconnaisse les crimes commis. Gilles, jeune cycliste passant par hasard, est
grièvement blessé et perd l’usage de ses jambes. Aram part pour le Liban afin
de rejoindre l’Armée de libération de l’Arménie. Pendant ce temps, Gilles, reçoit
la visite d’Anouch, la mère de celui à déclencher la bombe, qui vient lui
demander pardon. Au fil du temps, Gilles s’installe dans la famille d’Aram et
demande à le rencontrer.
Robert Guédiguian entame son film
par un long prologue en noir et blanc et en allemand, avec une musique légère
et festive en fond sonore, qui illustre un fait historique peu connu mais
important dans l’Histoire pour la reconnaissance du génocide arménien : la
mort d’un des principaux organisateurs du génocide arménien et le procès qui a
suivi voyant l’auteur rapidement acquitté.
Présenté en sélection officielle
au Festival de Cannes, section Hors Compétition, en 2015, « Une Histoire
de Fou » rassemble les conséquences du génocide sur la vie d’une famille
arménienne réfugiée en France et le parcours d’un homme blessé lors d’un
attentat de l’Armée de Libération de l’Arménie pour appréhender les raisons d’un
tel acte.
Le réalisateur s’est appuyé sur l’histoire
d’un journaliste espagnol, José Gurriarán, qui a échappé à un attentat, le
laissant en grande partie paralysé, en 1980 à Madrid, devenu le principal
militant de la reconnaissance du génocide arménien dans son pays.
Guédiguian évoque à la fois la
grande Histoire et la petite histoire d’une famille avec ses souvenirs, ses
traumas et la colère latente d’un jeune homme nourrie par un discours anti turc
d’une grand-mère et les revendications d’un peuple.
Le parcours de ses deux jeunes
hommes, l’un fils biologique étant entré en dissidence et l’autre adoptif en
quelque sorte, qui veut comprendre avant de juger, fait face à une mère
tiraillée entre la vengeance, le pardon, le déracinement, la colère devant la
non-reconnaissance par l’État turc du génocide de 1915 et la condamnation de la
violence armée.
Une mère qui essaie de sauver l’un
comme l’autre.
Petit à petit, l’un s’attache à
la famille de son bourreau et à la cause du peuple arménien, l’autre, malgré
ses idées et la cause qu’il défend par conviction, s’interroge sur les
conséquences des actes violents et la mort des innocents.
Le séquençage du film (Berlin,
Marseille, le Liban, Paris, l’Arménie) porte l’histoire vers la scène finale,
vers la compréhension d’une lutte par la victime, l’identification par rapport
à l’époque actuelle.
Toutefois, il y a quelques scènes
où la fascination du militantisme, part trop romanesque, peut s’avérer un peu
lourde. Comme le côté « camaraderie amoureuse version papier glacé »
entre Aram et sa compagne de guerre est un peu trop bien filmée pour ne pas desservir
l’ensemble des scènes tendues dans le camp.
En regardant cette histoire, on
imagine fort bien qu’elle pourrait s’appliquer à l’histoire des Kurdes, des
palestiniens, ou tout autre peuple en proie avec l’Histoire et le poids du
devoir de mémoire.
Les thèmes que sont l’injustice,
le pardon, la vengeance, l’honneur, la politique, la légitimité de la violence
dans une lutte armée et les enjeux internationaux économiques ne peuvent être
dissociés d’un tel sujet.
Quel que soit le génocide abordé,
les enjeux sont toujours ambivalents, car les racines d’un mal peut provoquer
plus de dégâts encore que ceux qui ont été perpétrés. La rancœur se nourrit à
toutes les sources, y compris sur les causes qui semblent nobles.
Il est à noter l’excellente
performance des acteurs avec en tête de gondole Simon Abkarian (et sa scène de danse,
seul face à l’image de son fils), Ariane Ascaride (et sa force de caractère et
son amour sans faille jusqu’à l’issue fatale) et Grégoire Leprince-Ringuet (sa
rage et son sourire à Beyrouth lors du dîner), tous meurtris physiquement ou
moralement.
Ce film, inspiré donc d’un fait
réel, fait aussi penser à une fiction documentée proche d’un documentaire. C’est
synthétique, clair, un brin confus parfois, mais il en reste un film sobrement
lyrique.
Sur ce point-là, Robert
Guédiguian et malgré les « trop » bons sentiments, pose un regard,
une réflexion sur la difficulté de faire un travail collectif de mémoire et rend
ce film juste et nécessaire ; et furieusement d’actualité,
malheureusement.
Car comme le dit la mère, « […]
il y a des pages que l’on ne tourne
jamais ».
Il est à signaler que le DVD
propose aussi, en bonus, un documentaire fort de Audrey Valtille, « Une
bombe de trop », qui évoque l’histoire du journaliste José Antonio Gurriarán,
auteur du livre « La Bombe » et ouvre sur des questions d’actualités
entre la lutte armée et l’aveuglement à causer des « dommages collatéraux ».
Réalisateur : Robert Guédiguian
Distribution : Simon Abkarian, Ariane Ascaride, Grégoire
Leprince-Ringuet, Syrus Shahidi, Razane Jammal, Robinson Stevenin
Sortie DVD : 5 avril 2016
Editeur : Diaphana
Sélection officielle Festival de Cannes 2015 – Hors
compétition
En association avec :
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